En 2017, selon la DARES (DARES analyses - n°051), seuls 3% des salariés Français pratiquaient au moins un jour par semaine le télétravail. En avril 2020, selon la dernière étude Malakoff Humanis parue en février 2021, le télétravail concernait 39% des salariés pour diminuer à 31% en décembre 2020. La crise sanitaire a sûrement prouvé que le télétravail était une modalité de travail tout à fait "possible" dans beaucoup plus d'activités que l'on ne croyait... Depuis, notamment dans les plus grandes entreprises, les accords sur le télétravail ont fleuri et concernaient approximativement 82% des entreprises de plus de 500 salariés selon l'enquête annuelle de Willis Towers Watson.
Pour autant, est-il toujours "souhaitable" et dans quel cadre ? Doit-il être considéré comme un avantage pour les salariés qui peuvent le pratiquer (pouvant nécessiter de "compenser" cet avantage pour ceux qui ne le peuvent pas ou le peuvent moins) ?
Un mode de fonctionnement plus souple qui offre une flexibilité appréciable
Oui, par rapport à un mode "présentiel", le télétravail présente des avantages et les salariés qui l'ont parfois éprouvé pour la première fois lors du premier confinement ont indiqué une productivité accrue (58% selon un sondage GLASSDOOR), une amélioration de leur capacité de concentration et un meilleur équilibre avec leur vie personnelle (notamment du fait de l'économie du temps de transport, ce qui est également un grand avantage d'un point de vue écologique).
L'entreprise s'y retrouve également en offrant davantage d'autonomie à ses salariés et en repensant ses espaces de bureaux.
Et bien sûr, certains salariés qui n'y ont pas accès, pointent une injustice.
Là où le bât blesse...
Certains salariés apprécient vivement cette capacité à travailler depuis chez soi (ou parfois depuis un tiers lieu tel un espace de co-working à proximité de son domicile) mais d'autres non, ou pas tout le temps... ou moins souvent....
Car, même hors contexte de crise sanitaire, les inconvénients au télétravail existent. Ils sont intimement liés à la personne (besoin plus ou moins important de lien social, besoin de séparer les temps et les espaces de travail de sa vie privée....), à son environnement (familial, disponibilité d'un espace de travail au domicile ou éloignement réel du "bureau") en plus du contenu de son travail (nécessitant plus ou moins de travail en équipe par exemple) et au management du télétravail par l'entreprise (niveau de contrôle, de communication...). Parfois, un salarié qui vit près de son espace de travail préfère s'y rendre même si la possibilité de télétravailler lui est laissée pour différentes raisons qui lui appartiennent.
De plus, et c'est bien sûr lié aux conditions sanitaires actuelles qui ont "imposé" parfois le télétravail, un besoin de "réajustement" se fait sentir. Parfois trop isolés de leurs collègues, ou insuffisamment managés (par un management parfois lui-même en difficulté pour gérer des équipes à distance voire en risque d'épuisement professionnel) ou au contraire, trop contrôlé par un encadrement peu enclin à faire confiance (sauf en parole), les risques psychosociaux sont bien réels pour certains salariés avec un désengagement qui pointe le bout de son nez. L'étude Malakoff Humanis indique par exemple que 56% des salariés s'estiment plus engagés sur le lieu de travail qu'en télétravail.
Pour les entreprises, la question se pose de la réalisation et de l'efficience du management à distance. Peut-on véritablement intégrer un collaborateur à distance quand les occasions de rencontrer ses nouveaux collègues y.c d'autres services ou départements se font très rares ? Surtout quand les salariés, indiquent en priorité vouloir trouver dans l'entreprise, un lieu de convivialité, d'échanges formels et informels et un espace "où l'on sent que l'on fait partie de l'entreprise". Comment recadrer un collaborateur lorsqu'on travaille essentiellement à distance ? Lors de la seule entrevue en présentiel de la semaine ? Comment réellement permettre le partage d'information sans noyer les collaborateurs sous un flot de mails, de messages whatsapp de quinze projets différents ou de messagerie instantanée.... ?
La difficile et "intranchable" question de l'équité entre les collaborateurs
Le télétravail pose la question de l'équité au sein de l'entreprise : entre ceux qui théoriquement "peuvent" et les autres. Considérer alors le télétravail comme un avantage implique des mesures compensatoires pour ceux qui ne peuvent en bénéficier.... et impose à ceux qui le peuvent, contents ou non, de s'en satisfaire.
Mettre en place une charte du télétravail ou un accord d'entreprise peut s'avérer une gageure et surtout, indiquer pléthore de critères avec un processus bien "calé" et la mise en place du télétravail devient une usine à gaz qui ne convient bien souvent à personne, ni aux salariés, ni à l'entreprise.
Mais alors comment faire ?
Selon nous et à terme, télétravail devrait être considéré comme une modalité de travail "ordinaire" et finalement une souplesse d'organisation supplémentaire par rapport "au monde d'avant" pour l'entreprise comme pour le salarié. Il ne s'agit pas alors (philosophiquement du moins) ni de compenser une impossibilité à non travailler du fait intrinsèque du contenu du travail, ni de l'imposer aux salariés qui ne le souhaitent pas, sauf à compenser dans une certaine mesure l'impossibilité de choix de certains.
Ou à faire du télétravail ou de son impossibilité, une ligne du contrat de travail signé à son arrivé par le nouveau salarié. Le non-choix et l'imposition d'un mode de fonctionnement est possible dans la mesure où l'employeur le décide. Les entreprises en "full remote" (100% télétravail) ont à cet égard, fait un choix, excluant définitivement ceux qui n'y adhèrent pas.
Au-delà de ce 100% télétravail, qui suppose que l'équipe dirigeante soit alignée, que la "culture" de l'entreprise ait atteint un certain degré de maturité (ne serait-ce que numérique) et bien sûr que l'activité le permette... Il s'agit surtout pour les dirigeants et managers de basculer dans une culture où la confiance et la communication ne sont pas que des mots mais se concrétisent en actes.
En pratique, pour la plupart des entreprises, certaines règles seront sûrement indispensables pour encadrer le télétravail et éviter les dérives. Elles devront reposer sur un "mix" acceptable et souhaitable par l'entreprise employeuse et les salariés entre télétravail et présentiel sans raisonner en termes d'avantages et de contreparties mais en termes de choix laissé à chacun et d'efficience.
Le contrat passé entre les parties doit pouvoir être également revu quand les circonstances changent.
En conclusion
Plus que jamais, la capacité d'écoute et une communication franche et régulière, impulsée par un encadrement sensibilisé est clé dans la réussite de la poursuite apaisée du télétravail encadré. Il incombe également aux salariés d'y être réceptifs et de contribuer à la fluidité de cette communication.
Nous pensons que le télétravail doit pouvoir s'intégrer comme un mode de travail complémentaire offrant davantage de flexibilité à tous. Cette occasion permet également via le prisme organisationnel, de retravailler la stratégie et la vision de l'entreprise avec des dirigeants qui donnent un sens au travail dans l'espace "entreprise" en se posant la question de ce qu'ils veulent y mettre pour le travail, sa qualité et la qualité de vie au travail des salariés.
Cette qualité du travail ne peut pas être déconnectée de la qualité de vie au travail. A cet égard, salariés et managers (et bien sûr dirigeants), sont amenés à se demander ce qu'ils attendent et souhaitent trouver dans l'entreprise qui ne se trouve pas "ailleurs" ou chez eux par exemple.
Nous pouvons accompagner les entreprises, quelle que soit leur taille, sur ces réflexions ainsi que sur la mise en place concrète du télétravail ou l'accompagnement des managers. N'hésitez pas à nous contacter !
A noter que les chiffres et statistiques de cet article sont à retrouver dans la superbe enquête de MALAKOFF HUMANIS "Baromètre annuel Télétravail 2021"
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