L'année 2023 s'annonce riche en nouveautés impactant les entreprises sur le plan social. Voici un tour d'horizon des mesures en vigueur et à venir susceptibles d'induire des changements significatifs au sein de vos organisations.
Présomption de démission
Le décret d’application pour rendre la présomption de démission opérationnelle est paru au Journal officiel du 18 avril, et est applicable depuis le 19 avril 2023.
La présomption de démission, créée par la loi sur le marché du travail, répond à un objectif affiché : priver les salariés abandonnant leur poste de travail du droit à l'assurance chômage.
Sa mise en œuvre est néanmoins soumise à des conditions précises.
Ainsi, pour valablement présumer votre salarié démissionnaire, vous devez constater que celui-ci :
abandonne volontairement et sans justification son poste de travail ;
ne reprend pas son poste après l’avoir mis en demeure.
Concrètement :
L'employeur, après constat d'abandon de poste par l'un de ses salariés, doit faire parvenir à ce dernier sa mise en demeure afin de justifier son absence et reprendre son poste. Cette mise en demeure devra se faire par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Si le salarié a un motif légitime d'absence de sorte à contester la présomption de démission (droit de grève, santé...), il le précise dans sa réponse à la mise en demeure.
A compter de la présentation de la mise en demeure, le salarié à un délai de 15 jours calendaires pour reprendre son poste de travail.
A défaut de justification ou de reprise de poste, le salarié sera donc présumé démissionnaire et il n’aura pas droit aux allocations de l’assurance chômage
L’absence de réaction du salarié fait par ailleurs courir un délai de préavis et il conviendra donc d’attendre l’expiration de ce nouveau délai pour mettre à disposition ou adresser au salarié les documents de fin de contrat.
S'il entend contester la rupture de son contrat, le salarié peut saisir le Conseil de prud'hommes qui statue dans le délai d'un mois.
Par ailleurs le document de questions-réponses publié par le Ministère du Travail apporte un certain nombre de précisions et fait également preuve de prises de position non prévues par la loi et le décret, notamment quant à l'impossibilité de licenciement pour faute pour ce motif.
Outrepassant la lettre de la loi et du décret, ce questions-réponses constitue une source d’insécurité juridique, de sorte que saisi de deux recours pour excès de pouvoir, des précisions vont être prochainement formulées par le Conseil d’Etat.
Impacts de la réforme des retraites
Si travailleurs et futurs travailleurs sont tous concernés par la réforme des retraites, promulguée le 14 avril dernier, voici les mesures qui vont effectivement impacter les entreprises :
1. Harmonisation du régime social des indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite
NB : la rupture conventionnelle va devenir plus coûteuse, et ce, pour tous les salariés.
Aujourd'hui, en cas de rupture conventionnelle > le régime social de l'indemnité varie selon si le salarié est ou non en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse.
Ainsi, si le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse (que ce soit à taux plein ou avec décote) > l'indemnité est intégralement imposable et soumise à cotisations et à CSG-CRDS
Alors que si le salarié ne peut pas bénéficier d'une pension de vieillesse > l'indemnité est exonérée d'impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS, dans certaines limites. L'employeur est néanmoins redevable du forfait social au taux de 20 % sur la partie d'indemnité exonérée de cotisations de sécurité sociale.
Demain, et plus précisément à compter du 1er septembre 2023, pour limiter le nombre de ruptures conventionnelles, notamment avec les salariés seniors, le gouvernement a prévu que :
le forfait social de 20 % applicable est remplacé par une contribution patronale de 30 %, soit un coût supplémentaire de 10 points pour toutes les ruptures conventionnelles, indépendamment du droit ou non des salariés à bénéficier d'une pension de vieillesse.
L'indemnité versée dans le cadre d'une rupture conventionnelle sera exonérée de cotisations et de CSG-CRDS dans les limites prévues par la législation sociale, et ce, dans tous les cas (que le salarié soit éligible à liquider sa retraite ou non).
En cas de mise à la retraite par l'employeur > l'indemnité versée au salarié est certes exonérée d'impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG-CRDS dans certaines limites, mais l'employeur est redevable d'une contribution spécifique de 50 % sur la totalité de l'indemnité versée > ce montant sera abaissé à 30% (et donc harmonisé avec la contribution de la rupture conventionnelle) à compter du 1er septembre 2023;
2. Augmentation du taux de cotisations vieillesse (assurance retraite)
La réforme prévoit l'augmentation des taux de cotisation vieillesse dues par les employeur. Néanmoins, cette hausse va être compensée par une baisse à due concurrence des cotisations accidents du travail/maladies professionnelles (AT/MP)
3. Générations concernées par le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans
A compter du 1er septembre 2023, la réforme porte :
une hausse progressive de l'âge d'ouverture des droits (régimes de base de retraite) à la retraite de 62 à 64 ans, au rythme d'un trimestre par génération ;
et une accélération de la durée d'assurance requise, au rythme d'un trimestre par génération, contre un trimestre toutes les trois générations jusqu'à présent.
Les salariés qui sont nés à compter du 1er septembre 1961 sont les premiers concernés par le report de l'âge légal. L'âge l'égal de départ à la retraite à 64 ans sera atteint pour les salariés nés à partir de 1968.
Les départs anticipés restent possibles, sous conditions.
4. Dispositif de retraite progressive facilité
Jusqu'à présent, l'employeur était libre d'accepter ou de refuser une demande de passage à temps partiel au titre de la retraite progressive. Son accord était également nécessaire pour fixer le volume d'heures de travail du salarié et leur répartition (sur la semaine ou sur le mois).
Avec la réforme des retraites, lorsqu'un salarié ayant atteint l'âge requis demandera à travailler à temps partiel, il devra adresser sa demande à l'employeur. A défaut de réponse contraire écrite et motivée dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande, l'accord de l'employeur est réputé acquis Le refus de l'employeur pourra être justifié uniquement par l'incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l'activité économique de l'entreprise.
Le temps partiel pourra être accordé pour une durée inférieure à 24 heures par semaine.
Le salarié en forfait-jours pourra aussi demander à travailler à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours, selon les mêmes modalités.
5. Nouvelle possibilité d'utilisation du compte professionnel de prévention (C2P) : un droit à la reconversion professionnelle
Pour rappel, le C20 permet aux salariés exposés à des facteurs de risques professionnels, au-delà des seuils minimum définis, d'acquérir des points pour chaque trimestre d'exposition.
Ils peuvent ensuite utiliser ces points pour financer des formations, financer un passage à temps partiel payé à temps plein ou encore pour bénéficier d'un départ anticipé à la retraite.
Pour faciliter les changements de carrière, la réforme crée un nouveau cas possible d'utilisation du compte, en permettant au salarié de :
financer des frais liés à une ou plusieurs actions dans le cadre d'un projet de reconversion professionnelle ;
et, le cas échéant, de financer sa rémunération pendant un congé de reconversion professionnelle, lorsqu'il suit cette action de formation en tout ou partie durant son temps de travail, en vue d'accéder à un emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels.
Le salarié titulaire du C2P pourra demander un congé de reconversion professionnelle à son employeur afin de suivre tout ou partie des actions de formation incluses dans son projet de reconversion professionnelle. Les conditions de cette demande seront précisées par décret
Avant-projet de loi de partage de la valeur en entreprise
Le vendredi 28 avril 2023, le gouvernement a rendu public un projet de loi visant à transposer l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise conclu le 10 février dernier par les partenaires sociaux.
L’avant-projet de loi s’articule autour des priorités suivantes :
renforcer le dialogue social sur les classifications avec l’obligation d’engager au niveau des branches une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023 : cela concernerait les branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans,
faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur avec la mise en place, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, de 2 dispositifs :
- Concernant les entreprises de moins de 50 salariés : les branches professionnelles devraient ouvrir, au plus tard le 30 juin 2024, des négociations afin de mettre à disposition de ces entreprises, un accord de participation comportant une formule dérogatoire à la formule légale de participation. Cette mesure permettra d’ouvrir aux entreprises de moins de 50 salariés qui souhaiteraient mettre en place un dispositif de participation, la possibilité de négocier par accord, l’application du dispositif ou une autre formule dérogatoire à la formule légale de participation, et pouvant mener à un résultat plus favorable ou moins favorable que celui obtenu avec la formule légale.
- Concernant les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 salariés et moins de 50 salariés : mise en place obligatoire, à partir du 1er janvier 2025, d’un dispositif légal de partage de la valeur (participation, intéressement, prime de partage de la valeur, abondement à un PEE, PEI ou PER) (art.2) dès lors qu’elles remplissent les conditions suivantes :
être constituées sous forme de société,
avoir réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives (soit les années 2022, 2023, 2024),
ne pas être déjà couverts par un dispositif de partage de la valeur.
De plus, il est prévu :
une obligation pour les entreprises d’au moins 50 salariés pourvues d’un délégué syndical et soumises à l’obligation de mise en place de la participation, de négocier obligatoirement sur les conséquences d’un bénéfice exceptionnel de l’entreprise,
la création d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise : Ce plan pourra être mise en place par accord au sein des entreprises pour une durée de 3 ans et permettra aux salariés de bénéficier d’une prime de partage de la valorisation de l’entreprise dans l’hypothèse où la valeur de l’entreprise aurait augmenté lors des 3 années suivant une date fixée par l’accord. Tous les salariés de l’entreprise ayant au moins une ancienneté de douze mois bénéficieront du plan de partage de la valorisation. La prime bénéficiera d’un régime social et fiscal de faveur,
la possibilité d’attribuer 2 primes de partage de la valeur (PPV) par année civile, dans la limite du plafond d’exonération de 3 000 € ou 6 000 € s’il y a un accord d’intéressement (art.6),
la prolongation jusqu’au 31 décembre 2026 du régime social et fiscal actuellement applicable à la prime de partage de la valeur (PPV) pour les entreprises de moins de 50 salariés ;
simplifier la mise en place de dispositifs de partage de la valeur avec la simplification de la procédure de révision du contenu des plans interentreprises , la possibilité pour la branche du travail temporaire d’aménager les modalités d’attribution de l’intéressement et de la participation aux salariés temporaires ainsi que la possibilité de verser aux salariés des avances sur la participation,
développer l’actionnariat salarié avec notamment l’augmentation du plafond global d’attribution d’actions gratuites.
Le texte sera présenté en Conseil des Ministres fin mai, en vue de son examen par le Parlement durant l’été. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés !
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